Jardin

Jardin
JARDIN n. m. XIIe siècle. Probablement issu du gallo-roman (hortus) gardinus, « (jardin) enclos », lui-même issu du francique *gart, *gardo, « clôture ».

1. Lieu découvert, ordinairement clos, le plus souvent attenant à une habitation, dans lequel on cultive des légumes, on plante des fleurs, des arbres, etc. Une maison entourée d'un jardin. Jardin potager, fruitier. Les produits, les fruits du jardin. Jardin ouvrier ou familial, se dit de petits potagers loués à des familles aux revenus modestes. Un jardin de curé, voir Curé. Jardin d'agrément, où l'on cultive des fleurs, des plantes d'ornement. Travailler, jouer au jardin, dans le jardin. Faire un tour de jardin. Chaises, tables de jardin. Jardin d'hiver, voir Hiver. Jardin public, aménagé dans une ville et ouvert aux promeneurs. Les allées, les pelouses d'un jardin. Le jardin du Luxembourg, le Jardin des Plantes, à Paris. Jardin botanique, voir Botanique. Jardin alpin, où sont cultivées des plantes de haute montagne. Jardin zoologique, où l'on élève des animaux, notamment exotiques, pour l'étude scientifique et la curiosité des visiteurs. Jardin d'acclimatation, voir ce mot. Jardin suspendu, disposé en terrasses élevées. Les jardins suspendus de Babylone comptaient parmi les sept merveilles du monde. Jardin à la française, dessiné selon des figures géométriques et symétriques, et où sont ménagées de larges perspectives. Les jardins à la française s'inspirent des jardins italiens de la Renaissance. Les jardins à la française de Vaux-le-Vicomte, de Versailles. Jardin anglais ou à l'anglaise, qui offre l'apparence d'une nature agreste par sa diversité, ses lignes sinueuses, ses vallonnements. Jardin japonais, orné de ponts, de kiosques, dans le style particulier à ce pays ; se dit aussi d'un jardin miniature composé de plantes grasses, d'arbres nains, de cailloux colorés, et disposé parfois dans une coupe de céramique. Spécialt. Le jardin d'Épicure, celui où Épicure, à Athènes, dispensait son enseignement ; par méton., le Jardin, l'école philosophique d'Épicure et de ses disciples. Le jardin des Oliviers, où le Christ passa sa dernière nuit en prière, avant d'être livré par Judas.

2. Par ext. Contrée riche et fertile, aux cultures très variées et au paysage harmonieux. La Touraine est appelée le jardin de la France. MYTH. GRECQ. Le jardin des Hespérides, où les nymphes Hespérides gardaient avec l'aide d'un dragon l'arbre qui produisait des pommes d'or. - ÉCRITURE SAINTE. Le jardin d'Éden, le paradis terrestre où vivaient Adam et Ève avant d'en être chassés.

3. Spécialt. Jardin d'enfants, se dit d'établissements ou de classes accueillant de très jeunes enfants. Le Jardin des racines grecques, nom donné par les grammairiens de Port-Royal à un recueil méthodique et versifié des mots fondamentaux de la langue grecque. Jardin s'emploie parfois par extension dans le titre de certains recueils composés sur ce modèle.

4. Locutions et expressions. Disposer d'une chose comme des choux de son jardin, comme si on en était le maître, le possesseur. Fig. Jardin secret, se dit de sentiments, de pensées, de goûts dont on préserve l'intimité. La poésie est son jardin secret. Jeter une pierre, des pierres dans le jardin de quelqu'un, mêler dans une conversation, un discours, des paroles qui l'attaquent directement. C'est une pierre dans son jardin, une remarque désobligeante à son égard. Spécialt. FAUCONNERIE. Donner le jardin à l'oiseau, voir Jardiner. - THÉÂTRE. Côté jardin, désigne par convention la gauche de la scène pour le spectateur, par opposition au Côté cour. Expr. proverbiale empruntée au Candide de Voltaire. Il faut cultiver notre jardin, l'homme doit s'adonner aux tâches qui sont à sa portée, de sa compétence, sans se soucier du reste du monde ou perdre son temps en vaines spéculations. Titres célèbres : Le Jardin des délices terrestres, triptyque de Jérôme Bosch (vers 1500) ; Le Jardin des supplices, d'Octave Mirbeau (1899) ; Jardins sous la pluie, pièce pour piano de Claude Debussy (1904) ; Un jardin sur l'Oronte, de Maurice Barrès (1922).

D'après le dictionnaire de l'Académie française 9ème édition

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JARDIN, s. m. (Arts.) lieu artistement planté et cultivé, soit pour nos besoins, soit pour nos plaisirs.

On a composé les jardins, suivant leur étendue, de potagers pour les légumes, de vergers pour les arbres fruitiers, de parterres pour les fleurs, de bois de haute futaie pour le couvert. On les a embellis de terrasses, d'allées, de bosquets, de jets d'eau, de statues, de boulingrins, pour les promenades, la fraîcheur, et les autres apanages du luxe ou du goût. Aussi le nom de jardin se prend en hébreu pour un lieu délicieux, planté d'arbres ; c'est ce que désigne le mot de jardin d'Eden. Le terme grec de paradis, signifie la même chose. Delà vient encore que le nom de jardin a été appliqué à des pays fertiles, agréables et bien cultivés; c'est ainsi qu'Athénée donne ce nom à une contrée de la Sicile auprès de Palerme ; la Touraine est nommée le jardin de la France par la même raison.

Il est quelquefois parlé, dans l'Ecriture sainte, des jardins du roi, situés au pied des murs de Jérusalem. Il y avait chez les Juifs des jardins consacrés à Vénus, à Adonis. Isaïe, chap. j, vers 29, reproche à ce peuple les scandales et les actes d'idolâtrie qu'il y commettait.

L'antiquité vante comme une des merveilles du monde, les jardins suspendus de Sémiramis ou de Babylone.

Les rois de Perse se plaisaient fort à briller par la dépense de leurs jardins ; et les satrapes, à l'imitation de leurs maîtres, en avaient dans les provinces de leur district, d'une étendue prodigieuse, clos de murs, en forme de parcs, dans lesquels ils enfermaient toutes sortes de bêtes pour la chasse. Xénophon nous parle de la beauté des jardins que Pharnabase fit à Dascyle.

Ammien Marcellin rapporte que ceux des Romains, dans le temps de leur opulence, étaient, pour me servir de ses expressions, instar villarum, quibus vivaria includi solebant. On y prisait entre autres pour leur magnificence, les jardins de Pompée, de Luculle, et de Mécène. Ils n'offraient pas seulement en spectacle au milieu de Rome des terres labourables, des viviers, des vergers, des potagers, des parterres, mais de superbes palais et de grands lieux de plaisance, ou maisons champêtres faites pour s'y reposer agréablement du tumulte des affaires. Jam quidem, dit Pline, liv. 29. ch. 4. hortorum nomine, in ipsâ urbe, delicias, agros, villasque possident. Le même goût continue de régner dans Rome moderne, appauvrie et dépeuplée.

Ce fut Cn. Marius, dont il reste quelques lettres à Cicéron, et qu'on nommait par excellence l'ami d'Auguste, qui enseigna le premier aux Romains le raffinement du jardinage, l'art de greffer et de multiplier quelques uns des fruits étrangers des plus recherchés et des plus curieux. Il introduisit aussi la méthode de tailler les arbres et les bosquets dans des formes régulières. Il passa la fin de ses jours dans un de ces lieux de plaisance de Rome, dont nous venons de parler, où il employait son temps et ses études au progrès des plantations, aussi bien qu'à raffiner sur la délicatesse d'une vie splendide et luxurieuse, qui était le goût général de son siècle. Enfin il écrivit, sur les jardins et l'agriculture, plusieurs livres mentionnés par Columelle et autres auteurs de la vie rustique qui parurent après lui.

Les Français si longtemps plongés dans la barbarie, n'ont point eu d'idées de la décoration des jardins ni du jardinage, avant le siècle de Louis XIV. C'est sous ce prince que cet art fut d'un côté créé, perfectionné par la Quintinie pour l'utile, et par le Nôtre pour l'agréable. Arrêtons-nous à faire connaître ces deux hommes rares.

Jean de la Quintinie, né près de Poitiers en 1626, vint à Paris s'attacher au barreau, et s'y distingua; mais sa passion pour l'Agriculture l'emporta sur toute autre étude; après avoir acquis la théorie de l'art, il fit un voyage en Italie pour s'y perfectionner, et de retour il ne songea plus qu'à joindre la pratique aux préceptes. Il trouva, par ses expériences, ce qu'on ne savait pas encore en France, qu'un arbre transplanté ne prend de nourriture que par les racines qu'il a poussées depuis qu'il est replanté, et qui sont comme autant de bouches par lesquelles il reçoit l'humeur nourricière de la terre. Il suit delà qu'au lieu de conserver les anciennes petites racines, quand on transplante un arbre, il faut les couper, parce qu'ordinairement elles se sèchent et se moisissent.

La Quintinie découvrit encore la méthode de tailler fructueusement les arbres. Avant lui nous ne songions, en taillant un arbre, qu'à lui donner une belle forme, et le dégager des branches qui l'offusquent. Il a su, il nous a enseigné ce qu'il fallait faire pour contraindre un arbre à donner du fruit, et à en donner aux endroits où l'on veut qu'il en vienne, même à le répandre également sur toutes ses branches.

Il prétendait, et l'expérience le confirme, qu'un arbre qui a trop de vigueur ne pousse ordinairement que des rameaux et des feuilles; qu'il faut réprimer avec adresse la forte pente qu'il a à ne travailler que pour sa propre utilité; qu'il faut lui couper de certaines grosses branches, où il porte presque toute sa sève, et l'obliger par ce moyen à nourrir les autres branches faibles et comme délaissées, parce que ce sont les seules qui fournissent du fruit en abondance.

Ainsi la Quintinie apprit de la nature, Des utiles jardins l'agréable culture.

Charles II. roi d'Angleterre, lui donna beaucoup de marques de son estime dans des voyages qu'il fit à Londres. Il lui offrit une pension très considérable pour se l'attacher; mais l'espérance de s'avancer pour le moins autant dans son pays, l'empêcha d'accepter ces offres avantageuses. Il ne se trompa pas; M. Colbert le nomma directeur des jardins fruitiers et potagers de toutes les maisons royales; et cette nouvelle charge fut créée en sa faveur.

André le Nôtre, né à Paris en 1625, mort en 1700, était un de ces génies créateurs, doué par la nature d'un goût et d'une sagacité singulière, pour la distribution et l'embellissement des jardins. Il n'a jamais eu d'égal en cette partie, et n'a point encore trouvé de maître. On vit sans cesse éclore, sous le crayon de cet homme unique en son genre, mille compositions admirables, et nous devons à lui seul toutes les merveilles qui font les délices de nos maisons royales et de plaisance.

Cependant depuis la mort de ce célèbre artiste, l'art de son invention a étrangement dégénéré parmi nous, et de tous les arts de goût, c'est peut - être celui qui a le plus perdu de nos jours. Loin d'avoir enchéri sur ses grandes et belles idées, nous avons laissé tomber absolument le bon goût, dont il nous avait donné l'exemple et les principes; nous ne savons plus faire aucune de ces choses, dans lesquelles il excellait, des jardins tels que celui des Tuileries, des terrasses comme celle de Saint-Germain en Laye, des boulingrins comme à Trianon, des portiques naturels comme à Marly, des treillages comme à Chantilly, des promenades comme celles de Meudon, des parterres du Tibre, ni finalement des parterres d'eau comme ceux de Versailles.

Qu'on blâme, si l'on veut, la situation de ce dernier château, ce n'est point la faute de le Nôtre; il ne s'agit ici que de ses jardins. Qu'on dise que les richesses prodiguées dans cet endroit stérile y siéent aussi mal que la frisure et les pompons à un laid visage; il sera toujours vrai qu'il a fallu beaucoup d'art, de génie et d'intelligence, pour embellir, à un point singulier de perfection, un des plus incultes lieux du royaume.

Jetons sans partialité les yeux sur notre siècle. Comment décorons-nous aujourd'hui les plus belles situations de notre choix, et dont le Nôtre aurait su tirer des merveilles? Nous y employons un goût ridicule et mesquin. Les grandes allées droites nous paraissent insipides; les palissades, froides et uniformes; nous aimons à pratiquer des allées tortueuses, des parterres chantournés, et des bosquets découpés en pompons; les plus grands lieux sont occupés par de petites parties toujours ornées sans grâce, sans noblesse et sans simplicité. Les corbeilles de fleurs, fanées au bout de quelques jours, ont pris la place des parterres durables; l'on voit partout des vases de terre cuite, des magots chinois, des bambochades, et autres pareils ouvrages de sculpture d'une exécution médiocre, qui nous prouvent assez clairement que la frivolité a étendu son empire sur toutes nos productions en ce genre.

Il n'en est pas de même d'une nation voisine, chez qui les jardins de bon goût sont aussi communs, que les magnifiques palais y sont rares. En Angleterre, ces sortes de promenades, praticables en tout temps, semblent faites pour être l'asile d'un plaisir doux et serein; le corps s'y délasse, l'esprit s'y distrait, les yeux y sont enchantés par le vert du gazon et des boulingrins; la variété des fleurs y flatte agréablement l'odorat et la vue. On n'affecte point de prodiguer dans ces lieux-là, je ne dis pas les petits, mais même les plus beaux ouvrages de l'art. La seule nature modestement parée, et jamais fardée, y étale ses ornements et ses bienfaits. Profitons de ses libéralités, et contentons-nous d'employer l'industrie à varier ses spectacles. Que les eaux fassent naître les bosquets et les embellissent! Que les ombrages des bois endorment les ruisseaux dans un lit de verdure! Appelons les oiseaux dans ces endroits de délices; leurs concerts y attireront les hommes, et feront cent fois mieux l'éloge d'un goût de sentiment, que le marbre et le bronze, dont l'étalage ne produit qu'une admiration stupide.

D'après l'Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de Diderot et d'Alembert, 1751 à 1772